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Des qualités Bio
Et depuis, la fraise locale vivra des mutations génétiques qui font aujourd'hui sa spécificité. De père en fils, les cultivateurs de la fraise de Stora, de la Grande Plage ou de Aïn Zouit ont acquis sur le tas les multiples facettes de cueillette, d'implantation et de manipulation des plants. M. Driadah, responsable au niveau de la délégation agricole de la commune de Skikda, mentionne à cet effet que «l'hybridation de la plante s'est faite naturellement à partir des akènes, ce qui a permis aux plants de garder les mêmes caractéristiques». L'expérience acquise et transmise de génération en génération permet aujourd'hui aux fellahs de procéder à des sélections en masse des plants et de procéder à une multiplication végétative, seules garanties de préservation des essences de la Lemkerkba. Les femmes ont énormément contribué à la préservation de cette culture. Ce sont elles qui assurent les durs travaux de binage et de cueillette souvent dans des conditions pénibles dues essentiellement à la nature inclinée et accidentée des terres cultivées. En plus de ces procédés qui s'assimilent plutôt à une culture traditionnelle, on aurait tendance à déclarer la fraise locale produit exclusivement bio. Lemkerkba  en s'identifiant à travers les ans aux sols des versants marins a fini par s'acclimater aux conditions des lieux. Les sols sont très riches en humus et disposent d'un stock important d'éléments minéraux en plus de l'air marin qui donne aux plants une fraîcheur à longueur d'année. Ces atouts naturels font que les cultivateurs n'utilisent ni engrais (sauf en cas de force majeure) ni pesticides, d'ailleurs, la fragilité de la variété ne saurait supporter de tels intrants. Pour lutter contre d'éventuelles parasites (champignons et acariens), les fellahs usent de moyens culturaux comme l'aération et les tailles d'éclaircissage. Aujourd'hui, on estime que Lemkerkba  représente plus de 50 % des 275 ha cultivés. Elle demeure donc la plus entretenue et ne semble pas souffrir dans le présent de la concurrence des autres variétés. Car il faut souligner qu'en 1970 l'Institut des cultures maraîchères a décidé d'importer et d'introduire à Skikda deux nouvelles variétés : la Douglas et la Tioga. Une action qui dopera la production des fraises à Skikda sans pour autant minimiser l'intérêt accordé par les agriculteurs à la fraise locale. En 2001, d'autres variétés furent encore implantées, à l'exemple de la Selva, la Cama Rosa...En tout huit variétés ont été introduites et plantées dans les montagnes de Tamalous, de Bouchtata et de Hammadi Krouma et même à Aïn Zouit, fief de la fraise locale. Ainsi, les superficies sont passées des 225 ha cultivés en 1996 à plus de 270 ha en 2004. La production vivra aussi une nette croissance, passant des 11 250 q en 1996 à plus 14 000 en 2004.

Seulement, même si économiquement un regain relatif reste à mentionner, il n'en demeure pas moins que les variétés nouvelles, plus intéressantes du point de vue rentabilité n'arrivent toujours pas à concurrencer Lemkerkba. La preuve, les huit variétés occupent moins de 50 % des surfaces cultivées. Cette réalité est imposée en premier lieu par la grande demande qu'enregistre la variété locale au détriment des variétés introduites qui n'ont pas réussi à intéresser les consommateurs bien qu'elles disposent d'une bonne durée de conservation et d'un gabarit assez robuste.
La face «amère» du fruit
La fraise locale fait vivre aujourd'hui plus de 500 familles et quelque 300 saisonniers. Elle rapporte en moyenne 20 000 DA/ ha de bénéfice net lors de la première récolte. Ce bénéfice atteint facilement plus de 120 000 DA/ha lors des 2e, 3e et 4e récoltes. Au bout de cinq années, la plante arrive à terme. Malgré cet attrait, les cultivateurs souffrent néanmoins de plusieurs contraintes. Contraints par la fragilité des fruits qui doivent être consommés dans les 48 heures qui suivent leur cueillette, les fellahs vendent des fois leurs champs à des prix assez bas. L'un d'eux, un exploitant sur les hauteurs de Stora, témoigne : «Nous ne disposons pas de moyens de transport, en plus la plupart des exploitations se trouvent dans des zones enclavées qui ne disposent même pas de pistes. Alors on préfère vendre notre cueillette au premier venu par peur de la voir pourrir en moins de deux jours devant nos yeux.» A cela s'ajoute une autre difficulté qui continue de miner la filière. Il s'agit de l'épineux problème de la nature juridique du foncier. A ce sujet, on évoque au niveau de la délégation agricole de Skikda que 70 % des 275 ha cultivés cette année sont occupés illégalement. Ils appartiennent au domaine forestier. Ces terres ont été sujettes, des années durant, à de grandes opérations de défrichage. Un phénomène qui perdure d'ailleurs. Dernièrement seulement, la conservation des forêts a verbalisé 30 exploitants pour avoir défrichis 50 ha. Le défrichement des talus des versants nord allant de Stora à la Grande Plage est une réalité née de l'intérêt que portent les exploitants aux terrains en pente donnant sur la mer.
Ce sont d'ailleurs les terres les plus appropriées pour cultiver Lemkerkba. Elles représentent plus de 90 % des terrains réservés à la culture de la fraise. Mais au niveau de la conservation des forêts de la wilaya de Skikda, on estime que ces opérations illégales représentent «un vecteur non négligeable de l'érosion des sols». Les fellahs dont une grande partie est formée par des jeunes trouvent dans cette occupation un moyen de survie.Certains avaient même demandé une régularisation de leur situation pour pouvoir les exploiter convenablement. En attendant, Lemkerkba continue de faire son chemin dans le monde de la gastronomie. Elle sera à l'honneur dans les jours à venir lors de la fête de la fraise que l'APC de Skikda compte réactiver. C'est déjà un acquis en l'honneur d'un pur produit du terroir en attendant d'autres considérations.

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Les écrits et les photos sont de Khider Ouahab ©.

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