Cette même faïencerie, qui décora l'ensemble des bâtisses de Skikda (hôtel de ville, gare ferroviaire, postes...), mais aussi l'hôtel El Djazaïr (Saint-Georges) et le Palais du gouvernement à Alger.On trouve aussi les mêmes carreaux de décoration dans plusieurs bâtisses de la côte ouest américaine (villas de stars, le palais de justice de Santa-Barbara et le théâtre d'Arlington en Californie...). Le château, initialement baptisé Château Cuttoli, en référence à son premier propriétaire, porte deux autres appellations. La première, Meriem Azza officiellement reconnue et la seconde Château Bengana encore entretenu par la mémoire collective.
Pourquoi deux appellations, et qui seraient ces deux personnages ?
Pour Meriem, il suffit juste d'arpenter le parvis du château pour lire Dar Meriem, une calligraphie en caractère arabe incrustée dans la mosaïque et qui semble annoncer la maîtresse des lieux. Un fait qui a encouragé les officiels à baptiser le palais au nom de Meriem Azza. Mais si Meriem a bel et bien existé, Azza n'est, cependant, qu'une pure invention. Une malencontreuse erreur encore entretenue juste pour sa consonance mélodieuse. Explications : plusieurs vieux Skikdis, parmi lesquels âmmi Nakoub et El Hadj Bouaziz, témoignent que le nom de Meriem n'est finalement que le propre nom de la femme de Cuttoli, premier propriétaire du château. M Bouaziz, qui garde encore toute sa mémoire malgré un âge très avancé, témoigne : «Elle s'appelait Myriam et avait un goût très poussé pour les choses de l'art. C'était un mécène qui tenait une galerie d'art aux 6e arrondissement à Paris. Son mari, Cuttoli maire de Skikda, avait bâti ce château en son honneur.» Quant à l'appellation Azza, ce n'est qu'une grossière erreur de... lecture. Il suffit juste de revenir au paragraphe transcrit en lettres arabes sur le mur du bureau de Cuttoli, où l'on peut lire «Paul Cuttoli (...) houa elladi bana hada el kasr izaten limeriem» (Paul Cuttoli est le constructeur de ce palais en l'honneur de Myriam). Donc, on retient que la transcription signifie Izza dans le sens vénération et non Azza. La seconde appellation Château Bengana est, quant à elle, en relation avec le second propriétaire du palais. Il s'agit de Bengana Boulakhrass, dit Khassa, arrière petit-fils de Bengana Cheïkh El Arab. Issu d'une famille nantie de Biskra, il avait l'habitude de venir estiver à Skikda. En ayant vent que Cuttoli cherchait à vendre son château, il lui propose de le lui racheter. La transaction fut conclue pour la somme de 20 millions d'anciens francs. Il ne séjourna, cependant, au château que durant les saisons estivales. Il y avait aussi célébré les fêtes de circoncision de ses fils. Les vieux de Skikda le décrivent comme «un bel homme très raffiné. Dès l'avènement de la guerre de libération, il fut l'objet de grandes pressions par les colons qui voyaient d'un mauvais œil cet arabe nanti''. Craignant pour sa vie et celle de ses enfants, il dut quitter le château pour ne jamais y revenir». A l'indépendance, le château était totalement abandonné. Il a même servi d'étable à des maquignons avant que la Banque populaire ne le reprenne pour le vendre à Sonelgaz. Cette dernière en fera un centre de vacances pour les enfants de ses employés. Le château allait vivre le même destin du Château de Morel de Ramdane Djamel, qui est aujourd'hui totalement en ruine avant que l'APC de Skikda ne force la main aux instances centrales en 1981 pour le classer. Un acte qui alla à jamais préserver ce joyau au grand bonheur d'une ville où le raffinement a toujours été une caractéristique indéniable.

Bengana avec ses enfants